Alors on va parler de Brecht. Bertolt Brecht, qui est auteur et metteur en scène incontournable dans l'histoire du théâtre. pourquoi? il a tout simplement rénové le théâtre du 20ème siècle grace a son principe de distanciation.En outre bertolt brecht est un avant gardiste de premier ordre qui a laissé trace dans le théâtre a jamais. Ala fois par ses idées politiques pendant la seconde guerre mondial ainsi que la première. au niveau de son appartenance politique je peux vous dire qu'il n'était pas du tout capitaliste et donc qu'il affectionné tout particulièrement les idée de karl Marx. et oui?Dans son théâtre, ses poèmes, ses réflexions, Brecht, comme le soulignait Walter Benjamin, a voulu conduire les hommes « à s’étonner des conditions dans lesquelles ils fonctionnent » et il a vérifié le précepte de Kafka selon lequel une authentique parole d’écrivain doit être « un piolet pour briser la mer gelée qui est en nous ». L’agilité dialectique, l’irrespect sans restriction et les pouvoirs de l’humour n’étaient pas les moindres de ses forces. Le jeu brechtien n’est nullement une façon de réduire les abîmes humains — ou les contradictions —mais une façon de les ouvrir sans réserve. Le but n’est pas leur clarification et leur élimination, mais leur agrandissement jusqu’à l’insupportable, pour mettre en question la manière qu’on a de les supporter.
Force est de constater que, même sous les feux croisés de la polémique, l’œuvre de Brecht demeure, vive et féconde, et qu’elle ne cesse d’appeler des lectures nouvelles, décapantes, incisives.
Je vécus parmi les hommes au temps
de la révolte. Et je m’insurgeai avec eux »
« Dialectiser, c’est extraire la
dimension politique de toute chose. »
Bertolt Brecht
En 1957, Europe publiait un volume en hommage à Bertolt Brecht, disparu l’année précédente. Sur la couverture, très emblématiquement, Hélène Weigel, incarnant La Mère, brandissait avec conviction un étendard rouge. Incontestablement, cette publication, qui fut par la suite rééditée, fit date. En ouverture, Pierre Abraham, alors directeur de la revue, insistait sur la puissance créatrice et révolutionnaire du projet brechtien. Il s’agissait donc, pour lui, d’indiquer en quel sens, Brecht, « contempteur de la société » et « ironiste acerbe du désespoir », s’était attaché, théâtralement et politiquement, à « préparer l’avenir ». Étaient ainsi rassemblés des témoignages (ceux, entre autres, de Johannes Becher, de Lion Feuchtwanger, de Georg Lukacs, de Jorge Amado et de Vladimir Pozner), de brèves études (telles celles de Paul Rilla sur le théâtre épique, de Arturo Lazzari sur le succès de L’Opéra de Quat’Sous, de Michel Zeraffa sur les rapports de Shakespeare et de Brecht à l’Histoire, de Lotte Eisner sur la position brechtienne face à l’industrie cinématographique), des commentaires philosophiques de Walter Benjamin et de Ernst Bloch, et, enfin, deux longs articles signés par deux jeunes germanistes français, Gilbert Badia (qui évoquait la vision du monde et le parcours artistique de Brecht jusqu’à son exil en 1933) et André Gisselbrecht (qui, didactiquement, introduisait le lecteur au cœur des articulations essentielles de l’œuvre du dramaturge allemand, considéré comme le « plus grand dialecticien de la scène »). Des poèmes, La Décision (pièce introduite par une interview de l’auteur où celui-ci attribue à la catégorie du Lehrstück — ou « pièce didactique » — une importance capitale), des extraits d’interventions théoriques (sur l’écriture de la vérité...) et politiques (l’Appel au Parlement de Bonn...), inédits en langue française, complétaient cette approche à plusieurs voix. En prenant en considération distanciée et critique les partis pris affirmés de ces textes, en les replaçant dans le contexte de l’époque, ce numéro spécial de 250 pages mérite, bien évidemment, aujourd’hui encore, d’être lu. Rappelons tout de même que, si Brecht fut introduit en France en 1930 (date où Gaston Baty a mis en scène L’Opéra de Quat’Sous) et en 1931 (grâce à l’adaptation cinématographique de cette pièce réalisée par G. W. Pabst, violemment contestée par Brecht), ce n’est réellement qu’au début des années Cinquante que le public français put découvrir cette œuvre majeure du XXe siècle. L’attention et le travail de recherche de quelques précurseurs (Jean-Marie Serreau, Jean Vilar, Jean Dasté, Roger Planchon...), la première tournée du Berliner Ensemble en 1954, l’intérêt porté dès cette date par une publication militante comme Théâtre populaire (avec des contributions de Roland Barthes, de Bernard Dort...), la biographie de Geneviève Serreau et les premières traductions des écrits de Brecht proposées par les éditions L’Arche en 1955, engageaient un processus de réception passionné, suscitant enthousiasmes et polémiques jusque dans les années Soixante-dix. Dans ce cadre, et à sa manière, aux regards de ses engagements, cette livraison d’Europe apportait d’intéressants éclairages. Il serait en conséquence absurde de penser que ce nouvel ensemble cherche, plus de quarante ans plus tard, à se substituer au précédent. Chacun le comprend aisément, les analyses que nous devons aujourd’hui produire à propos de Brecht, sur l’originalité et l’efficacité de son travail théâtral, sur ses liens ambigus avec le socialisme ayant réellement existé, ne peuvent qu’être, inéluctablement, en correspondance avec les transformations (historiques, sociales, culturelles, idéologiques...) imposées par le mouvement ininterrompu et complexe du réel. Certes, le monde continue, comme le disait Brecht, à ne pas aller bien ; mais, après que les lendemains qui devaient chanter se soient avérés tragiquement chimériques, les défis à relever ont changé, les enjeux soulevés par l’intervention brechtienne se sont déplacés. Il en va de même de l’activité théâtrale concrète, de la situation de cette pratique renouvelée, dispersée au sein de la société et confrontée aux attentes auxquelles elle se doit de répondre. Le propos des auteurs ici conviés est délibérément et ambitieusement d’interroger l’actualité de Brecht en cette fin de siècle tourmentée.
Pour donner à cette tâche son sens, il est nécessaire de rappeler quelques faits. Dans les années Quatre-vingt, alors que l’Histoire, selon certains, allait vers sa fin, que le projet émancipateur de la modernité leur semblait achevé / dépassé, que la diabolisation des utopies (par essence totalitaires et meurtrières) était de bon goût, les œuvres de Brecht, et plus encore ses considérations théorico-politiques, n’étaient plus guère prisées, sans doute trop peu en adéquation avec le désengagement frivole et le moralisme inquisiteur de la post-modernité. Brecht pouvait ainsi être archaïsé (y compris jugé complice de la terreur qui avait régné au sein des sociétés-goulags) et présenté comme un « soldat mort », selon l’expression provocatrice utilisée en 1979 par Guy Scarpetta pour dénoncer ce qu’il nommait l’ « imposture » brechtienne. Précisons toutefois que, maintenant en éveil un esprit de vigilance nécessaire, Bernard Dort, en 1986, affirmait avec détermination que « notre Brecht ne peut être que fragmentaire, historique et utopique ». Force est donc de remarquer que cette éclipse ne dura qu’un temps limité. En effet, dans les années Quatre-vingt-dix, donc après la chute du mur de Berlin et la disparition des régimes socialistes dogmatiques, de bureau et de caserne, une nouvelle génération renoua avec l’univers brechtien, du moins avec ses œuvres. Certes, il resterait à déterminer les conditions dans lesquelles cette re-découverte et cet attrait s’expriment (les crises et les fractures des sociétés soumises au libéralisme triomphant expliqueraient-elles, en partie, ce nouveau dialogue ?) et les modalités de cette réception (Brigitte Salino, dans un article paru dans Le Monde du 11 février 1998, considère que cet « œil neuf » privilégie moins l’œuvre d’un « politique que celle d’un humaniste », alors que, pour notre part, nous verrions plutôt chez Brecht une politique de l’humain, aux antipodes de l’humanitarisme et de ses consolations). Par ailleurs, en 1998, le centenaire de la naissance du dramaturge fut le prétexte à de nombreuses manifestations commémoratives. Il n’est pas inutile de s’attarder brièvement sur le sort, significatif, qui fut réservé à Brecht en Allemagne même. Non seulement, ses pièces occupèrent massivement les scènes allemandes (et cela n’est pas évident, alors que des années auparavant elles furent chahutées à l’Ouest, et que son éditeur, Suhrkamp, se voyait accusé de publier un communiste), mais les médias lui consacrèrent, en digne gloire nationale qu’il était subitement devenu, une place importante. Plus encore, la classe politique, du Président de la République à Berlin au Ministre-Président conservateur de la Bavière (Brecht était natif de Augsbourg), dans un ballet de discours consensuels étrangement en affinité, s’est unie pour encenser cette personnalité-symbole de l’Allemagne réunifiée. Brecht, encensé, semblait devenir un patrimoine à préserver / momifier, voire, en ces temps où le domaine artistique n’est plus une exception selon les lois intransigeantes du marché, un bien culturel à consommer, avec d’autant moins de modération que débarrassé de ses oripeaux gênants et dépourvu de toute charge explosive. De mauvais esprits pouvaient sans doute se demander ce qu’il restait de Brecht, ainsi muséifié (nous préférons cet adjectif à celui de classique), de ses visions théâtrale et politique, à l’issue de ces célébrations lénifiantes. Avaient-ils profondément tort ? Nous ne le pensons pas. Du moins, leurs réticences — l’ancien assistant de Brecht, Manfred Wekwerth, parle, par exemple, dans une interview accordée au quotidien Libération (19 février 1998) d’un véritable « enterrement d’État » — sont-elles à examiner scrupuleusement. Autrement dit, pour déjouer le piège tendu au pauvre b. b. pour l’anniversaire de sa naissance, il deviendrait urgent de saisir en quoi, rebelle et scandaleuse, l’œuvre de Brecht résiste toujours.
L’objectif de ce recueil est donc, selon des postures variées, n’hésitant pas, lorsque cela est indispensable, à reposer en des formulations nouvelles des problématiques déjà largement traitées (sur la jeunesse et la formation artistico-politique de Brecht, sur les arguments développés dans différents débats au sein desquels il fit entendre une voix discordante...), d’hériter productivement de l’agir et du penser brechtiens. À ce propos, il n’est pas sans importance de mentionner que, pour Bertolt Brecht, hériter exigeait d’assumer un choix privilégiant l’efficacité, donc un pillage intervenant / impertinent, permettant la projection des matériaux ainsi récoltés et re-dynamisés au cœur des possibles et impossibles du devenir forcément indéterminé. À nous, dès lors, non de préserver une image immobile et de l’idolâtrer, mais de nous laisser contaminer par le souffle brechtien et de ranimer la puissance déconstructrice / reconstructrice d’une œuvre à bien des égards contemporaine.
en traduction Brecht est mon copain.